L’histoire des salles d’arcade – Partie 3

 

La copie

Dans le monde des jeux vidéo la copie est un phénomène ambivalent. D’un côté elle est proscrite car illégale dans le sens ou elle est le \"vol\" le du travail intellectuel d’une personne ou d’une société. De l’autre elle permet la diffusion, la publicité et le test du produit fini. Pour cela elle est largement tolérée par la plupart des éditeurs, même si ceux-ci ne peuvent l’avouer.

De plus, l’informatique ne pourrait exister sans la copie puisqu’elle permet de garder un savoir éphémère car évolutif, celui du développement. Mais aussi de sauvegarder un cheminement intellectuel qui sera par la suite copié et sans doute amélioré et ainsi de suite. Sans la copie, nous en serions toujours au minitel. Les logiciels de l’éditeur Microsoft (Windows, Office…), par exemple, ne prennent de valeur commerciale que lorsqu’ils sont largement diffusés, car le fait de les utiliser crée le besoin, le bouche à oreille et les logiciels annexes feront le reste. Il en va de même dans le jeu vidéo qui doit son émergence au clonage de la technologie des toutes premières consoles grand public, les jeux de pong.

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Un tout petit échantillon des innombrables copies du jeu Pong

Toutefois dans le monde de l’arcade les pratiques sont un peu différentes. La copie est nettement plus difficile à réaliser car de nombreux jeux ont un système de fonctionnement spécifique et il ne suffit pas de copier simplement le programme du jeu, il faut aussi copier la carte. Peu importe, il y a toujours une solution ! Elle se nomme dans le jargon de l’arcade les « bootlegs ». En anglais « bootleg » signifie à peu de chose près « contrebande » et ici le terme n’est absolument pas galvaudé. A quoi peut bien servir la copie d’un jeu d’arcade ? A être revendue à un moindre prix, oui mais imaginez la copie d’une voiture ou d’un habit de marque. Cela requiert plus de compétences qu’un simple copier-coller informatique. En l’occurrence ici c’est le programme du jeu et son système qui doivent être copiés.

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^La carte orriginale du jeu « Toki »et sa copie contenant le même jeu pour moins cher ^

Le plus important, le programme, pas trop de problème, à moins d’un cryptage. Ce qui est devenu systématique sur les jeux modernes, c’est l’étape la plus simple mais elle est également illégale. Par contre, pour le matériel, les composants électroniques qui constituent la carte du jeu, c’est une autre histoire.

Légalement la copie d’un système n’est pas interdite, car il faudrait pour cela que chaque puce soit spécifiquement créée par le constructeur et également déposée en tant que brevet. Apple par exemple, ne peut poursuivre un constructeur qui copierait un Mac, dans le sens ou la plupart des composants qui le constituent sont aujourd’hui les mêmes que ceux d’un PC. N’importe quel constructeur peut se procurer ce genre de composant. Il en va de même pour de nombreux jeux d’arcade. En simplifiant les composants sont les mêmes d’un jeu à l’autre, seul leur agencement change. De nombreux jeux par exemple partagent le même microprocesseur tout en ayant une puce graphique différente ou plus ou moins de mémoire. Seule la partie graphique est parfois spécifique.

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La carte de Pacman. En blanc, les composants dans lesquels est stocké le programme, ce sont des eprom UV et leur contenu est très facilement copiable

Tout l’art de la copie est alors d’identifier les composants principaux, de réussir à trouver leur équivalent à moins cher et le plus difficile, d’arriver à reconstruire la structure de la carte du jeu. Enfin, implanter le programme du jeu dans cette carte fraîchement copiée. Cette activité a été très florissante en Asie, notamment en Chine et en Corée ou elle était un métier très commun. Ce qui requérait parfois des connaissances en ingénierie était très souvent réalisé par de jeunes adolescents.

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Un Bootleg commence par le dessoudage des composants contenant le programme du jeu

D’ailleurs, beaucoup de personnes du monde de l’émulation sont des transfuges du monde de la copie du jeu d’arcade, car les compétences requises sont très proches. Aujourd’hui, l’émulation tente même de sauvegarder les bootleg, car certains copieurs de jeux d’arcade allaient jusqu'à modifier le programme pour l’adapter au nouvel agencement de la carte copiée ou pour en faire une version totalement nouvelle, inédite et donc avec une valeur ajoutée supplémentaire.

On a vu fleurir, par exemple, de nombreuses variantes plus ou moins réussies du célèbre Street Fighter II et vous pouvez être sûr qu’elles sont presque toute archivées aujourd’hui malgré leur aspect officieux et « illégal ».

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Street Fighter 2 original, Ken ne fait qu’une boule à la fois
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Le Rainbow Edition un Shoruyken créé une orgie de boules

En Europe, la copie à été largement utilisée pour diffuser les jeux d’arcade. Elle était utilisée par nécessité, car le prix des cartes était inaccessible pour les exploitants. Sans parler de l’importation et de la maintenance. La seule solution pour pouvoir profiter de ces jeux était d’acheter des copies de carte, de moins bonnes qualités certes, mais aussi nettement moins coûteuses. Mais cette activité a bien vite cessé, car les systèmes devenaient de plus en plus complexes et spécifiques. Les puces génériques étant remplacées par des puces beaucoup plus spécialisées et impossibles à copier sans documentation précise. De plus, les systèmes de protection se sont généralisés rendant difficile la copie du programme.

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une cartouche de jeu sur le CPS de Capcom, elle contient une pile suicide qui provoque l’effacement total du jeu quand elle est débranchée, déchargée ou lorsqu’un composant est dessoudé

Aujourd’hui seules quelques machines d’arcade à cartouche comme la Neogeo subissent encore le phénomène des bootleg. Toutefois, il ne touche plus les constructeurs mais les utilisateurs finaux voulant se procurer ces jeux à moindre coût. La copie de jeux d’Arcade est un métier qui a pratiquement disparu et à muté vers le phénomène de l’émulation.

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